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De La Rosée De L'eden

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Jack Russell Terrier

La chasse... à méditer

"Mon dernier coup de fusil"

Alphonse de Lamartine, Les Confidences, 1790-1869




"Un jour, j'étais à la chasse. Un chevreuil innocent et heureux
bondissait de joie dans les serpolets trempés de rosée sur la lisière
d'un bois. Je l'apercevais de temps en temps par-dessus les tiges de
bruyère, dressant les oreilles, frappant de la corne, flairant le
rayon, réchauffant au soleil levant sa tiède fourrure, broutant les jeunes pousses, jouissant de sa solitude et de sa sécurité.


Mon chien quêtait ; mon fusil était sous ma main, je tenais le
chevreuil au bout du canon. J'éprouvais bien un certain remord, une
certaine hésitation à trancher du coup une telle vie, une telle joie,
une telle innocence dans un être qui ne m'avait jamais fait de mal. Mais
l'instinct machinal de l'habitude l'emporta sur la nature qui répugnait
au meurtre. Le coup partit. Le chevreuil tomba, l'épaule cassée par la
balle, bondissant en vain dans sa douleur sur l'herbe rougie de son
sang.

Quand la fumée du coup fut dissipée, je m'approchai en
pâlissant et en frémissant de mon crime. Le pauvre et charmant animal
n'était pas mort. Il me regardait, la tête couchée sur l'herbe, avec des
yeux où nageaient des larmes.
Je n'oublierai jamais ce regard,
auquel l'étonnement, la douleur, la mort inattendue semblaient donner
des profondeurs humaines de sentiment.
Ce regard me disait
clairement, avec un déchirant reproche de ma cruauté gratuite : "Qui
es-tu ? Je ne te connais pas, je ne t'ai jamais offensé. Je t'aurais
aimé peut-être ; pourquoi m'as-tu frappé à mort ? Pourquoi m'as-tu ravi
ma part de ciel, de lumière, d'air, de jeunesse, de joie, de vie ?"


Voilà littéralement ce que me disait le regard du chevreuil blessé. Je
le comprenais et je m'accusais comme s'il avait parlé avec la voix.
"Achève-moi", semblait-il me dire encore, par la plainte de ses yeux et
par les inutiles frémissements de ses membres. J'aurais voulu le guérir à
tout prix ; mais je repris le fusil par pitié, et, en détournant la
tête, je terminai son agonie du second coup. Je rejetai alors le fusil
avec horreur loin de moi, et cette fois, je l'avoue, je pleurai.
Mon
chien lui-même parut attendri, il ne flaira pas le sang, ne remua pas
du museau le cadavre, il se coucha triste à côté de moi. Nous restâmes
tous les trois dans le silence, comme dans le deuil de la même mort...


Je renonçai pour jamais à ce brutal plaisir du meutre, à ce despotisme
cruel du chasseur qui enlève sans nécessité, sans droit, sans pitié,
l'existence à des êtres auxquels il ne peut pas la rendre.

De ce jour je n'ai plus tué."